
Un peintre révolutionnaire – Notre entretien avec Olivier Mosset
L'artiste abstrait d'origine suisse Olivier Mosset fait des déclarations esthétiques révolutionnaires depuis plus de 50 ans. Son travail est visuellement intense et minimal, basé sur un langage de formes géométriques et monochromatiques. L’une des raisons pour lesquelles je le considère comme un révolutionnaire est qu’il expose fréquemment des motos parallèlement à son art. Les peintures élèvent le statut des vélos. Les vélos démocratisent les tableaux. Il a commencé cette habitude dans les années 1960 à Paris, alors qu'il faisait partie du collectif d'art minimaliste BMPT, qui comprenait également Daniel Buren, Niele Toroni et Michel Parmentier. Plus récemment, il a exposé une Harley Davidson 74 Panhead de 1957 ainsi que deux peintures scintillantes à grande échelle au MAMO, la galerie à couper le souffle sur le toit de The Radiant City, un immeuble d'appartements à Marseille conçu par Le Corbusier. Les œuvres d'art et la moto ont conspiré pour transformer l'espace en un sanctuaire pour l'appréciation d'objets beaux, sensuels, significatifs et inspirants. Mosset m'a récemment parlé depuis sa maison de Tucson, en Arizona, où il vit et travaille depuis 1977. Dans notre conversation, imprimée ci-dessous, il a généreusement partagé ses réflexions sur de nombreux sujets, notamment la méthode, l'intention et la manière dont l'art s'intègre dans le temps. .
Phillip Barcio pour IdeelArt : Quel est le rôle de la coïncidence significative dans votre travail ? Je veux dire, cherchez-vous activement à construire des compositions que vous croyez susciteront la synchronicité chez les spectateurs ?
Olivier Mosset : Je ne sais pas trop ce que les gens voient et franchement je m'en fiche. Mais les choses ne tombent pas du ciel. Il y a certainement là quelque chose qui a trait à d'autres choses et aussi aux conditions qui les ont permis.
IA : Pour moi, vos motos ont quelque chose à voir avec cette idée. Même les personnes sans formation artistique les respectent instinctivement en tant qu’objets pour des raisons viscérales.
OM : J'ai remarqué que lorsque vous garez un certain type de moto dans la rue, les gens la regardent.
Olivier Mosset - Sans titre, 1970. Acrylique sur toile. 39 2/5 × 39 2/5 po ; 100 × 100 cm. Galerie Andrea Caratsch, Saint-Moritz
IA : Vous souvenez-vous d'une époque où un spectateur qui ne connaissait rien à l'art se sentait accueilli dans une exposition en voyant vos motos dans l'espace ?
OM : La situation dont vous parlez s'est peut-être produite au Hunter College : la galerie avait une fenêtre sur la rue.
IA : Ma femme dit que vos monochromes donnent au spectateur un endroit où atterrir. Par exemple, plutôt que d’offrir un point focal, ils offrent un point de vue. Comprenez-vous également vos monochromes de cette façon ?
OM : J'essaie de comprendre ce que je fais en le faisant.
IA : Vous avez déjà exposé deux œuvres ensemble : une sculpture au sol noire en forme de trois pyramides siamilées et une peinture rose avec une ligne orange faisant écho à la forme de la pyramide. Cela a résolu pour moi un problème visuel difficile à exprimer avec des mots.
OM : Oui, à Campoli-Presti. Vous avez dit que la situation visuelle était difficile à mettre en mots. C'est exactement l'effet que ces œuvres ont eu sur moi.
IA : Cette installation semblait transcender quelque chose que vous avez dit un jour, à savoir que « la peinture est fondamentalement une critique institutionnelle ». Pensez-vous que la peinture ne puisse être que cela ?
OM : Nous n'allons pas définir la peinture ici. Mais pour moi, une peinture pourrait remettre en question ce qu’elle est, ce que sont les autres peintures et, en fin de compte, un système.
Olivier Mosset - Sans titre (T), 2013. Polyuréthane sur toile. 71 3/10 × 95 1/2 po ; 181 × 242,5 cm. Galerie Andrea Caratsch, Saint-Moritz
IA : En ce qui concerne les objets que vous fabriquez, en quoi le paysage naturel de votre maison actuelle à Tucson diffère-t-il de celui de New York, Paris, et Berne ?
OM : Ici, nous avons des cactus. Mais les tableaux ont leur propre logique.
IA : Vous avez un jour répondu à une question sur l'origine de votre travail par la phrase : "Oui, les choses viennent de quelque part". Cela m'a semblé drôle. L’origine de l’art est-elle importante par rapport à nos réactions ?
OM : Il y a une histoire que vous ne pouvez pas ignorer, et bien sûr une situation réelle. J'essaie de ne pas trop expliquer les choses. Bien sûr, n’importe qui peut poser une question. Il se peut cependant qu’ils n’obtiennent pas de réponse.
IA : Votre art existe-t-il en dehors du temps ?
OM : Je ne pense pas qu'on puisse échapper au temps.
IA : Je veux dire, quel est le lien entre votre travail et la soi-disant histoire de l'art linéaire.
OM : « Wir sind einmal darin », comme disait le poète cité par Freud. [In Civilization and Its Discontents, Freud quoted Christian Dietrich Grabbe: “Ja, aus der Welt werden wir nicht fallen. Wir sind einmal darin.” (“Yes, we will not fall out of the world. Once we are in it.”)] Nous avons aussi une histoire et une histoire de l'art. La vision greenbergienne de cette histoire était intéressante et, d’une manière ou d’une autre, avait un sens au XXe siècle. En ce qui me concerne, j'ai regardé la Renaissance, le baroque, le XIXème siècle et le début du XXème. J'ai aussi vu ce que faisaient d'autres artistes à l'époque où je travaillais. Mais à la fin du siècle, la situation semble avoir changé. Même le néo-expressionnisme ou le néo-géo faisaient encore partie d’une dialectique, mais après, tout a explosé. Tout était possible (ce qui n’est peut-être pas mauvais), mais pour être honnête, maintenant, je suis un peu perdu. Au final ma pratique est assez égoïste. C'est pour cela que je n'aime pas trop en parler. Vous devrez peut-être comprendre ce que c'est lorsque vous le voyez. Tout est là. Fait à un moment donné et peut-être pas particulièrement pertinent à ce moment-là.
Olivier Mosset - Sans titre, 2015. Acrylique sur toile. 116 1/2 × 116 3/10 po ; 296 × 295,5 cm. Galerie Andrea Caratsch, Saint-Moritz
IA : Un de vos associés du Radical Painting Group a dit un jour : "J'ai eu besoin de savoir que la réalisation d'un tableau est la seule importance de la peinture." Cette idée contredit Agnès Martin, qui disait : « La réponse à l’art est le véritable domaine de l’art. »
OM : Fred Thursz a dit cela. [Robert] Ryman a dit que ce n'est pas ce que vous faites qui compte, c'est comment vous le faites. Et comme Agnes Martin l'aurait peut-être dit, en fin de compte, c'est ce que vous voyez.
IA : Selon vous, quelle est la différence entre créer de l'art et réagir à l'art ?
OM : J'ai le sentiment que je dois faire ces tableaux pour les voir. Et j’ai la chance de pouvoir les montrer, ce qui permet de voir de quoi il s’agit.
IA : Considérez-vous vos peintures comme des signes ? Ou les voyez-vous plutôt comme des destinations ?
OM : Je ne comprends pas vraiment ce que vous entendez par destination et/ou panneaux. On dit que mes peintures « dirigent vers quelque chose en dehors d’elles-mêmes ». Je serais d'accord avec cela. Quoi qu'il en soit, ici aussi, ce sont les autres qui décident.
Jusqu'au 17 novembre 2018, des œuvres graphiques de Mosset sont exposées à Laure Genillard Gallery à Londres.
Image en vedette : Olivier Mosset - Gold Star, 2008. Polyuréthane pulvérisé sur toile. 69 7/10 × 73 1/5 po ; 177 × 186 cm. Galerie Andrea Caratsch, Saint-Moritz